Le Grand Trail de Maud MERY DE MONTIGNY

La Vallée des Fées Feat. L’ Amour & les Montagnes

Reset du coeur avant de replonger dans les Monts et Merveilles des Hautes Vosges …
Arrivée sur le site du TVL, la veille en soirée, avec mon Simon, après avoir déposé les poilus chez les adorables Sylvie et Bruno un peu plus loin dans les Vosges, je découvre avec joie, ce nouveau lieu de départ : le lac joyau, de Xonrupt-Longemer, né dans la dernière phase de l’ère des glaciations, par mouvement de glissement d’un glacier, avec ses compatriotes millénaires, Retournemer et Gérardmer. Prendre le départ à 5h, Stoots vissée sur le front, après une microscopique nuit et faire avec la forme du moment.
 
Je ne suis pas inquiète, les jambes semblent avoir très bien récupérées l’enchaînement Transju / Ultra St Jacques. Derniers échanges de sourires, ici et là. Décollage imminent pour une belle bambée de 82km 4300d+. Quiétude et ivresse, mêlées. L’ Aurore nous enveloppe de son doux et tendre manteau cotonneux. La Montagne nous tend les bras, malicieuse et secrète… Bienvenue dans le merveilleux monde des Tourbières de la Vallée des Lacs ! En préambule, une ascension champêtre, vers le lac de la Ténine, dans la vallée du Chajoux, lac cerné par une forêt d’épicéas sur tourbe (nb géo : la tourbe est une matière organique fossile, composée de végétaux). Il fait déjà très lourd, mais l’atmosphère est joyeuse.

De petits groupes de coureurs se forment et je retrouve avec plaisir, Hervé et Cédric, de sacrés bornards du grand Nord ! Rencontre improbable après mon départ, trois ans plus tôt, de mes terres roubaisiennes, d’origine. Tellement heureuse de retrouver ces sympathiques visages connus ! Après avoir goulument avalé 1000d+, nous nous engageons allègrement dans la descente, caillouteuse à souhait. Peut-être un peu trop joyeusement pour ma part…

Km 17.5, ravito en vue ! O, divines réjouissances ! Et paf ! Ce fut le drame ! Je me suis emmêlée les pinceaux, les gambettes et la tête, tellement euphorique que j’étais, d’évoluer dans ce pays enchanteur, qu’il n’a fallu qu’un unique quart de seconde d’inattention, pour que j’esquisse quelques pas de danse de l’allégresse et une chute d’anthologie, en arrivant sur le stand du ravitaillement. Bois des Lutins : 1 – Maud : 0 ! Les elfes se bidonnent encore très certainement, de ce spectaculaire (et surtout ridicule) vol plané ! Le sujet fut très certainement aussi au menu du grand Banquet des Fées ! Celles du ravitaillement sont justement là pour s’enquérir de l’état de mon genou, qui saigne abondamment. Un coup de jet d’eau, un pansement posé (il ne tiendra que quelques minutes) et je choisis de repartir d’office, sans m’attarder, ne laissant ainsi pas le temps à mon corps de se refroidir (et par la même, potentiellement, souffrir). Je prends néanmoins le temps d’envoyer quelques photos du moignon et la plaie, à ma précieuse amie infirmière, afin que celle-ci juge de l’ampleur des dégâts et me conseille sur la suite de l’Aventure.

Ainsi, je peux continuer à crapahuter de façon plus sereine et apprivoiser la douleur, en restant focus et me recentrant sur ma course. Je suis heureuse d’être là, au cœur de ces forêts. Je ne me serais évidemment, pas mise en danger, mais ne peux pas, non plus, abandonner sur cette mauvaise chute… suis venue retrouver les montagnes Vosgiennes, avec mes yeux de petite fille émerveillée, pour rêver et vivre tout simplement… La bambée de grands seigneurs ne prendre fin aussi tôt. J’ai un Amour profond pour ces Montagnes. Un lien charnel. Lien qui va – au fil de la Traversée de la Vallée – se faire plus prégnant encore. Une Attraction qui m’anime et contre laquelle je suis incapable de lutter. Mon Cœur, les Montagnes et moi. Moment de grâce.

En surplomb au-dessus du Lac des Corbeaux, perchée sur La Roche du Lac. Lac, coup de coeur émotionnel, lors du Maratrail du Nordic’ Trail La Bresse, l’été dernier. Sans volatiles, plaît-il. Corbeaux seraient tout simplement une dérivation de Courbées, en lien avec la morphologie du relief très abrupt, encerclant le lac glaciaire. J’y planterais volontiers mes deux gambettes, en guise de bivouac, pour la vie, tout là-haut. Tant cet écrin, ce cadeau de la nature, me touche profondément. Le sentier y est coriace. Cordes et pierriers, et autres racines. Hommage aux sombres résineux, protégeant le joyau. Difficile de ne pas m’attarder là-haut tant l’attraction est hypnotique. Contempler. Emporter. Absorber. Savourer.

S’ensuit une longue descente sur les sentiers, pour basculer à l’étage inférieur à nouveau collinéen jusque l’Infernal Cornimont, puis remonter sur un demi-KV, jusqu’au Col du Brabant et ses prairies agricoles, notre prochaine étape. Un bref check de ma plaie me confirme que je peux continuer sans crainte, mais avec prudence. Simple arrêt pour remplir mes flasques, puis on remonte à nouveau au dessus du Lac – Refuge des Fées, les Corbeaux n’ont qu’à bien se tenir ! Avant de poser l’Ancre du côté du Pont de Blanchemer, nous évoluons dans l’incroyable Réserve Naturelle de la Tourbière de Machais, dominée par de grandioses hêtraies-sapinières. Ici, les forêts sont protégées et brillent de 1 001 couleurs. Tous nos sens sont sollicités.

Cela me touche profondément et tranche avec certains aspects des domaines forestiers jurassiens. De l’étage Montagnard et son aérien Lac de Blanchemer, cocon onirique, serti d’une délicate et précieuse flore multi-dimensionnelle, vers l’étage Subalpin : La Route des Crêtes, plus que centenaire, fervente guide des lieux, nous ouvre la voie avec joie ! Et certainement, quelques ricanements sous cape, elle connait chaque caillou par coeur … Nous, non ! L’ Ascension promet d’être rude, âpre, brûlante, mais je suis dans mon élément et j’ai retrouvé cette fameuse ligne conductrice de bambée, qu’est Le Plaisir. Un Plaisir dense, progressif. Se laisser envahir par l’énergie et la puissance des Montagnes. Un profond sentiment, charnel, presque animal.

L’épaisse chaleur fait ployer nos corps dans notre progression vers le Rainkopf, à 1305 mètres d’altitude. Mais je ne la subis pas, la forêt regorge de ressources incroyables et l’eau ruisselle à flots. Dés que je croise une source, je trempe pieds, maillot, casquette et remplis mes flasques d’eau fraîche. Faire simple. Jamais, je n’ai manqué d’eau. La Montagne nourricière nous en abreuve.

Le sentier, constellé de roches et racines, est très exigeant mais se fait pourtant charmeur, avec ces mille recoins d’où s’apprêtent à sortir, farfadets sournois et lumineuses fées des montagnes.

Du royal Sommet du Rainkopf, nous glissons vers le coeur du cirque glaciaire où se niche le Lac d’Altenweiher; à 940m d’altitude. Je suis fascinée par la végétation et la vie des torrents, partout dans la Montagne, sur ces terres de glaciations quartenaires. Quelques 3 kilomètres et 340m de dénivelé négatif plus tard, sur le sentier alpin des chamois – sans leur légendaire dextérité, bien évidemment – des rochers, encore des rochers … et nous touchons le fond de la vallée de Mittlach, pour mieux rebondir ensuite vers le mystique sommet du Hohneck à 1363m, point culminant du Massif des Vosges. La solide Montée, versant Alsacien, est impitoyable. Gourmandise (très) salée dont chacun se délecte… à sa façon, malgré les myrtilles sauvages, s’offrant à nous, ici et là.

Un à un, les hommes tombent. Assommés par la chaleur accablante et le dénivelé abrupt. Je suis dans mon élément. Sans bâtons, régulière, tantôt les mains sur les hanches, tantôt sur les genoux. Le sentier fourbe – étroit et sinueux et ses arbres tortueux, au coeur de cette riche végétation subalpine, nous mène au Graâl panoramique. Le Hohneck et son sulfureux passé guerrier, domine. La ligne de crêtes séparant l’Alsace et la Lorraine, d’abord. Les hommes (et les femmes), ensuite. Le Hohneck est impitoyable.

J’aime davantage grimper plutôt que descendre, mon genou coopère et c’est ainsi que je m’ émeus du panorama magique et féerique en 360 degrés, qui m’attend tranquillement au sommet … De ces moments où le sens que je mets dans ma pratique est sublimé. Je me sens toute petite face à cette immensité. Malgré ma chute, je me suis recentrée et l’alignement corps – tête – coeur se révèle à moi. Bonheur, et gratitude inconditionnelle. Le Refuge du Sotre arrive comme une respiration, dans ces tumultes émotionnels et ces amas d’éboulis et racines. Les bénévoles sont fantastiques.

Un chouette jeune homme trottine un moment avec moi et me donne les infos du classement. J’ai mis suffisamment d’écart avec la 4ème et la 5ème féminine, depuis le 40ème km, pour pouvoir continuer à crapahuter sans prendre de risques quant à mon genou (même si l’ultra reste imprévisible, oui, et que rien n’est jamais joué avant la ligne d’arrivée passée).

Une fée blanche s’enquiert a nouveau de l’état de mon genou. Elle m’a vue tomber je l’ai ensuite retrouvée sur chaque ravito .. si tu me lis, alors merci infiniment d’avoir été là.

Sur le papier : à 20km de l’arrivée, Maud, tu déroules, tu ne te retournes plus et surtout … Tu donnes tout ! Sur le papier, seulement ! J’en oublie presque mon genou en carton. Il nous reste un (interminable) dernier mur à gravir. Dré dans l’pentu ! Avant, après, les forêts sont enchanteresses, bouleversantes, fantastiques mais surtout … Truffées de racines et rochers pour chamois-experts. V’là l’embuscade ! Constamment. L’oeil est attiré par la beauté autour de nous .. aussi vite rattrapé par la technicité du terrain. Là est toute la difficulté de trouver le juste équilibre entre l’émerveillement et les pieds qui hurlent de rester focus pour éviter la dégringolade.

L’exaltation vissée au corps. L’ivresse de tant aimer ces montagnes-la. Tout a commencé au Haut du Roc. Puis au Haag, éclairée par la lune. Dans l’Antre du Drumont. Ou encore, au dessus du territoire de Frère Jo. Pour enfin exploser aux Cuveaux et renaître à St Nabord. Et depuis cette rencontre avec le Haut du Roc, je n’ai jamais retrouvé la paix en moi, habitée que je suis par ces montagnes vosgiennes. Semant ici et là des fragments de cœur en guise d’au revoir, je reviens bientôt, je vous aime !

Me retrouver dans des forêts tant bouleversantes des Hautes Vosges, fait profondément écho à tout cet Amour, résonne en moi et m’émeut bien au delà de mon Asperger. Je ne me sens pas vulnérable, ou si peu, je me sens en sécurité, à ma place. L’Amour et les Montagnes. J’ai tant à apprendre, d’elles, encore… Elles sont mon Essentiel. Dans les Vosges, je nourris mon coeur et j’étoffe mon Panthéon des émotions.

Sur ce segment-la, je retrouve Benoît, avec qui j’ai déjà partagé plusieurs moments bien auparavant. La magie des rencontres et moments de partage sur les courses, fait toujours son petit effet. Nous avançons méthodiquement, rigoureusement, sans halte ni moment de répit, autre que faire l’appoint d’eau dans les torrents. Et c’est ainsi, cahin-caha que nous approchons des abords de l’arrivée.

Un p’tit tour par la surprenante Tourbière du lac de Lispach et sa fabuleuse biodiversité, un crochet par la Roche des Cieux Chevaux, et on déboule sur la dernière descente absolument pas roulante, comme des voleurs en cavale se réjouissant des étincelles à venir, mon coeur s’est alors emballé, avant de flirter avec les rives de Longemer et la symphonie des émotions sur la ligne d’arrivée… Le corps exsangue, mais les papillons dans le ventre et le plein d’énergie positive pour continuer ma route vers l’Infernal 200.

J’y retrouve les sourires de Simon, Anthony et Remi. Il y a des arrivées qui touchent bien plus que d’autres… Celle-ci en fait partie, avec le cœur qui bat plus fort, à fleur de rêves, et ce sentiment de joie, de plénitude et d’accomplissement, en cours de process.

Merci à toutes celles et ceux avec qui j’ai partagé un moment sur cette Aventure, c’était beau, c’était bon, c’était vivant ! Soyez fiers de ce que vous avez accompli !

Merci également à la formidable équipe médicale de Jean-Charles, improbables retrouvailles après Clecy fin 2021 ! – à l’arrivée, dont Romain pour sa patience quant aux soins – 5 points de suture compris – dont j’ai bénéficié sur place.

And finally, merci à toute l’équipe d’organisation pour leur accueil, et surtout pour ce parcours absolument divin ! Rémi, Marc, Lison et les bénévoles présents sur le parcours et aux ravitaillements. A l’année prochaine !

Plus d’aventures sur la page Facebook de Maud « Ultra-Bulle »

Crédits photos : ANTHONY POUILLE Outdoor Photography